Aux mers d’azur où nagent les étoiles,
Notre oeil de chair se noie en se plongeant,
Mais l’infini parfois lève ses voiles
Pour notre esprit, cet oeil intelligent.
Peuples du ciel, les astres ont une âme,
Leur tourbillon peut jouir ou souffrir,
L’amour unit tous ces frères de flamme :
Pleurez, soleils, un globe va mourir !
Il pivotait dans son noble équilibre,
Pour que jamais on n’y connût la faim.
L’homme groupé pouvait, heureux et libre,
Tirer de lui des récoltes sans fin.
Mais ses erreurs ont causé ses désastres,
Sous la contrainte il s’est laissé pourrir,
De son typhus il gangrène les astres,
Pleurez, soleils, un globe va mourir !
Fleuve de sang, la guerre s’y promène,
L’Idée y porte un bâillon outrageant,
L’anthropophage y vit de chair humaine,
De chair humaine y vit l’homme d’argent.
C’est le bourreau qui, dans ses mains infâmes,
Porte ce globe et qui semble l’offrir
Au Dieu vengeur, au dieu bourreau des âmes,
Pleurez, soleils, un globe va mourir !
Pourtant le code est écrit dans nos veines ;
L’attrait conduit les esprits et les corps.
Du grand concert des volontés humaines
Les passions sont les divins accords.
Non, le poids ment ! l’âme à tort se dilate,
En amputant la hache croit guérir :
De Prométhée on fait un cul-de-jatte !
Pleurez, soleils, un globe va mourir !
On entendra comme un sanglot qui navre,
Dernier soupir du condamné géant,
L’Éternité prendra ce grand cadavre
Pour l’enfouir aux fosses du néant.
Les univers, au sein des nuits profondes,
Cherchant ses os les pourront découvrir
Au champ de lait, cimetière des mondes.
Pleurez, soleils, un globe va mourir !
Jouy-en-Josas, 1849.
in: Chants révolutionnaires (1887)
“La Mort d’un globe” wurde sowohl von Walter Mehring (1924) als auch von Erich Weinert (1951) nachgedichtet.